Les aéronefs, qu’ils soient monomoteurs ou non, sont soumis à divers effets physiques qui influencent leur maniabilité et leur stabilité en vol. Parmi ces effets, les forces gyroscopiques et de couple de l’hélice jouent un rôle important.
Cet article explique ces phénomènes et met en lumière les avantages sécuritaires de la configuration bimoteur contrarotatif déportée du paramoteur Dragonfly.
Prenez bien le temps pour lire calmement cet article car certaines notions et effets de la précession gyroscopique ne sont pas des plus intuitifs. Nous avons essayé d’être le plus clair et aussi pragmatique que possible lors de rédaction (pas d’équation…peut-être dans un prochain article ?).
L’effet de couple et les effets gyroscopiques sur les aéronefs monomoteurs et leurs conséquences
Effets de Couple
Sur un aéronef monomoteur, l’hélice en rotation génère un effet de couple qui tend à faire tourner l’avion ou le paramoteur dans la direction opposée à celle de l’hélice. Ce phénomène est dû à la troisième loi de Newton, qui stipule que pour chaque action, il y a une réaction égale et opposée.
Le couple de l’hélice va causer une inclinaison permanente de l’aéronef, nécessitant des mécanismes anti-couple (voir plus bas : sur un paramoteur ils ne fonctionnent pas à 100%),et des ajustements (trim ou commandes) de la part du pilote pour maintenir une trajectoire stable.
L’importance de cette inclinaison dépend notamment de la puissance du moteur et taille de l’hélice, du type d’aéronef, de la surface alaire, de l’envergure et de la masse de l’avion…. Au décollage, sur des avions monomoteurs puissants, l’effet de couple peut être si important que, mal corrigé, il peut être la cause d’accidents (retournement de l’avion).
Mais le danger du couple n’est pas que présent sur les avions puissants : sur un paramoteur, combiné ou non à une force gyroscopique, il peut aussi être dangereux, nous y revenons plus loin dans cet article.
L’effet de couple va dégrader en permanence la finesse de l’aéronef (1/3)
Effets gyroscopiques
Les effets gyroscopiques résultent de la rotation de l’hélice, qui agit comme un gyroscope. Plus l’hélice est massive et plus elle tourne rapidement, plus l’effet gyroscopique est important. Lorsque l’aéronef veut changer d’orientation, l’effet gyroscopique va vouloir maintenir l’aéronef dans l’axe de rotation de l’hélice.
Les actions sur les commandes doivent donc être plus importantes pour obtenir un changement de cap. Par contre, cet effet gyroscopique peut aider à compenser de petites turbulences mais uniquement si l’axe de rotation l’hélice est proche du plan des ailes (pas le cas sur un paramoteur).
L’effet gyroscopique va dégrader la finesse de l’aéronef lors des changements de cap (2/3)
Précession gyroscopique
Lors des changements de cap ou d’assiette, un autre phénomène entre en jeu : c’est la précession gyroscopique. La précession gyroscopique est le phénomène par lequel une force extérieure appliquée sur l’axe de rotation d’un gyroscope (notre hélice) provoque un moment perpendiculaire à la direction de la force appliquée et à l’axe du gyroscope (d’après le trièdre direct des forces).
Ce moment ou couple de précession s’applique au centre de gravité de l’hélice mais agit sur tout l’aéronef puisque l’hélice est fixée au reste de l’aéronef.
Cette vidéo de quelques secondes explique le couple de pression gyroscopique de lacet issu d’un mouvement de tangage sur un avion (il est réversible, voir plus bas) : https://www.youtube.com/watch?v=CizBG9Yn2fo (désolé cette vidéo n’est pas intégrable sur le site donc il faut la voir via le lien)
Cela peut entraîner des mouvements indésirables, parfois dangereux, des oscillations et des actions de pilotage supplémentaires pour le pilote et de ce fait, une dégradation de la finesse.
La précession gyroscopique est particulièrement notable lors des manœuvres de changements de cap ou de montées rapides (remise des gaz sur un paramoteur).
Lors d’un virage (lacet), la précession gyroscopique va provoquer soit un couple piqueur soit un couple cabreur selon le sens de rotation de l’hélice. C’est le tangage gyroscopique.
Lors d’une prise d’altitude ou d’une remise des gaz sur un paramoteur (tangage), par effet inverse, la précession gyroscopique va provoquer un couple de lacet soit à gauche soit à droite suivant le sens de rotation de l’hélice. C’est le lacet gyroscopique.
Cela nécessite des corrections de la part du pilote qui provoquent une dégradation de la finesse.
La précession gyroscopique va dégrader la finesse de l’aéronef lors des changements de cap ou prises d’altitude (3/3).
Effets moteur expliqués en vidéo
Cette vidéos explique, avec des termes un peu différents (couple de reversement…) les effets physiques du moteur (mais plus de l’hélice dans les faits) sur un avion.
Les paramoteurs et configurations push (hélice propulsive et non tractive) ne sont pas concernés par l’effet girouette : leur châssis n’est pas soufflé par l’hélice.
Quelles conséquences sur un paramoteur ?
Concrètement sur un paramoteur, ces effets peuvent avoir des conséquences graves comme montré dans les premières secondes de cette vidéo de 500 AGL :
Systèmes anti-couple sur les paramoteurs ? Oui mais…
Alors les constructeurs de paramoteurs mono-hélices ont essayé, avec plus ou moins de succès (et souvent moins que plus), de mettre en place des systèmes mécaniques de compensation du couple.
Sauf qu’à l’heure actuelle, aucun de ces mécanismes ne peut physiquement annuler 100% des effets du couple durant toutes les phases du vol.
Au mieux ils peuvent annuler totalement le couple à un seul régime moteur mais au prix de réglages assez pointus car cela dépend du PTV, du poids du pilote, du régime moteur et de la stabilité des RPM, de l’hélice utilisée…entre autres (car la densité et la température de l’air influent aussi…).
Généralement, on règle le ou les système anti-couple sur le régime de croisière mais les réglages ne sont jamais parfaits.
Bref il est assez délicat d’obtenir une annulation totale du couple moteur avec ces systèmes, quand bien même on en combine plusieurs comme expliqué dans la vidéo ci-dessous.
Une autre vidéo de 500 AGL explique les différents types de systèmes anti-couple sur les paramoteurs :
Il est important de préciser que ces mécanismes anti-couple n’ont aucune influence sur les effets gyroscopiques.
L’effet de couple et les effets gyroscopiques sur les aéronefs bimoteurs contrarotatifs comme les paramoteurs Dragonfly
Un paramoteur Dragonfly utilise une configuration bimoteur contrarotative non coaxiale, où deux hélices déportées tournent dans des sens opposés et à des vitesses de rotation (RPM) identiques ou très proches.
La configuration Dragonfly présente plusieurs avantages significatifs en termes de réduction des effets de couple et gyroscopiques.
Dragonfly annule totalement les effets de couple
Avec des hélices contrarotatives identiques, les couples générés par chaque hélice se compensent mutuellement pourvu que les hélices tournent au même régime. Cela signifie que l’effet de couple moteur sur l’appareil est considérablement réduit, voire annulé à 100%.
En conséquence, le pilote n’a pas besoin de faire autant d’ajustements pour maintenir une trajectoire stable, ce qui améliore la maniabilité et les performances au plané (finesse) de l’appareil. Evidement sur un Dragonfly il n’y a aucun mécanisme de compensation du couple puisqu’ils sont tout à fait inutiles.
L’absence de couple permet également une prise en charge de l’aile plus rapide au décollage. C’est à dire que l’aile va voler plus rapidement après le gonflage au décollage. L’aile d’un Dragonfly va voler aussi vite que lors d’un décollage en parapente (qui n’a évidement aucun effet de couple).
L’absence de couple améliore la maniabilité et la finesse d’un Dragonfly et permet des décollages plus cours et plus rapides (1/3)
Dragonfly réduit fortement les effets gyroscopiques
Les effets gyroscopiques dépendent de la vitesse de rotation et de la masse des corps en mouvement, les hélices d’un Dragonfly sont beaucoup plus légères que celle d’un paramoteur monomoteur, les effets gyroscopiques sont déjà réduits par cet aspect de la conception.
Les hélices contrarotatives réduisent ces effets gyroscopiques. Chaque hélice agit comme un gyroscope, mais en tournant dans des directions opposées, les forces gyroscopiques générées par chaque hélice se compensent mutuellement et partiellement.
Cela réduit l’impact global des effets gyroscopiques sur l’appareil, améliorant ainsi la stabilité et la sécurité en vol..et au décollage !
La réduction des effets gyroscopiques améliore la maniabilité et la finesse d’un Dragonfly (2/3)
Dragonfly utilise la précession gyroscopique
La précession gyroscopique concerne chaque hélice et le couple des forces de la précession s’applique sur le centre (de gravité) de l’hélice. Il y a 2 forces de précession gyroscopique en aéronautique : celle issue du lacet et celle issue du tangage.
Sur un aéronef monomoteur (ou multimoteur non contrarotatifs) :
1. La force gyroscopique issue d’un mouvement de lacet va créer un mouvement de tangage
2. La force gyroscopique issue d’un mouvement de tangage va créer un mouvement de lacet
Le sens des mouvements gyroscopiques va dépendre du sens du mouvement qui les a créé et du sens de rotation du gyroscope. Si l’hélice tourne dans l’autre sens, le sens des effets gyroscopiques est inversé.
Plus l’hélice tourne vite (décollage), plus les effets gyroscopiques sont grands.
Plus le changement de direction de l’axe de l’hélice est important et rapide, plus les moments gyroscopiques sont grands et donc plus le mouvement gyroscopique non désiré de l’appareil est important.
Avec une configuration bimoteur contrarotatif latérale, il est physiquement impossible que toutes les forces de précessions s’annulent : celle issue du tangage va s’annuler mais pas celle du lacet.
Explications.
Avec une conception intelligente, on peut exploiter la précession pour gagner en maniabilité ou en stabilité, la précession devient donc un allié aéronautique au lieu d’être un handicap.
Pour cela, il « suffit » de faire tourner les 2 hélices dans le « bon sens » désiré.
Dans une configuration « maniabilité », les forces de précession générées par chaque hélice iront dans le sens de la manœuvre voulue par le pilote et ne s’y opposeront plus.
Si vous désirez une configuration « stabilité », il faut inverser le sens de rotation des hélices sur un Dragonfly.
Comment Dragonfly transforme un handicap en avantage ?
Concrètement sur un Dragonfly, en configuration « maniabilité », les hélices tournent dans les 2 sens qui permettent les cas suivants.
Un lacet sur Dragonfly induit un roulis gyroscopique et non plus un tangage
Un mouvement de lacet, c’est à dire un changement de cap va être facilité par la précession car elle créé un mouvement de roulis qui va dans le sens du lacet.
En effet; un mouvement de lacet vers la gauche va faire monter l’hélice droite et baisser l’hélice gauche. Inversement un lacet vers la droite va faire monter l’hélice gauche et faire baisser l’hélice droite.
On a donc un phénomène bénéfique de roulis gyroscopique induit par le lacet sur un Dragonfly exactement comme…se comporte l’aile de parapente qui nous fait voler et ça c’est plutôt intéressant…
Le phénomène étant réversible, un mouvement de roulis sur Dragonfly va induire…un mouvement de lacet, exactement comme l’aile qui nous porte. On pourrait donc dire qu’un Dragonfly (ou une configuration bimoteur contrarotative et déportée), est un moteur aéronautique à 2 axes…même si cette appellation est un peu tirée par les cheveux.
Les 2 photos ci-dessus illustrent à priori ce phénomène : on voit assez nettement la sellette qui a pris du lacet dans le sens de virages à gauche. Le phénomène se produit essentiellement au début du virage lors de la prise de roulis.
En inversant le sens de rotation des hélices, toutes les forces gyroscopiques seraient inversées : roulis et lacet s’opposeraient d’un point de vue mécanique de vol du parapente et la machine serait un peu plus difficile à faire tourner mais….elle serait aussi plus stable naturellement et sans aucune régulation.
Remarque : cette force de précession est difficilement perceptible sur un paramoteur monomoteur car le moment gyroscopique crée est faible par rapport aux autres forces en jeu (poussée, PTV). Néanmoins, sur des paramoteurs puissants, gaz à fond et prise de lacet rapide, ce moment peut influer sur le tangage de la machine. Les pilotes de compétition le sentent très certainement en slalom.
Un mouvement de tangage sur un Dragonfly induit…aucun effet de lacet
Si on applique un mouvement de tangage sur un Dragonfly, les 2 moments de précession vont s’opposer et s’annuler mutuellement, ils ne vont pas créer un mouvement de lacet comme sur les monomoteurs.
Voilà ce qui explique pourquoi, en plus de l’absence d’effet couple, les décollages d’un Dragonfly sont plus faciles et rapides et prises ou reprises d’altitude sont stables et confortables.
Par contre sur un paramoteur conventionnel monomoteur, ce phénomène est bien perceptible et peut être dangereux. C’est exactement ce qu’on voit dans la première vidéo ci-dessus : le tangage du plan de l’hélice crée un important mouvement de lacet qui, incontrôlable au décollage, aboutit au crash de la machine...
La réduction ou l’utilisation de la précession gyroscopique améliorent la maniabilité (ou la stabilité) d’un Dragonfly en vol (roulis gyroscopique induit par le lacet), réduit les mouvements indésirables lors de la course d’envol et supprime totalement le roulis gyroscopique induit par le tangage (3/3)
Des décollages courts et rapides en Dragonfly
Concrètement, la suppression des effets de couple et l’optimisation des effets gyroscopique permet des décollages plus rapides, plus courts et plus sécurisés que sur un monomoteur.
Vous pouvez en voir plusieurs dans cette vidéo récapitulative de l’année 2024 :
Bonus : comparaison avec des avions bimoteurs à hélices non contrarotatives
L’immense majorité des avions bimoteurs (et multimoteurs) n’ont pas de configuration contra-rotative. Ils utilisent généralement les mêmes moteurs et les mêmes hélices sur chaque nacelle (réduction des coûts).
L’Airbus A400M est un des premier avion à turbopropulseur à utiliser une configuration contrarotative par paire de nacelles.
Dans les aéronefs bimoteurs à hélices non contrarotatives, comme le Beechcraft B60, les hélices tournent dans le même sens. Cela signifie que les effets de couple et gyroscopiques ne sont pas annulés, mais plutôt amplifiés.
Le pilote doit donc faire face à des défis supplémentaires pour maintenir la stabilité et la maniabilité de l’appareil.
Effets de couple amplifiés
Avec des hélices tournant dans le même sens, les couples générés par chaque hélice s’additionnent, créant une force de rotation plus importante sur l’avion.
Cela peut rendre l’avion plus difficile à contrôler, surtout en cas de panne moteur.
Effets gyroscopiques et précession accrus
Les effets gyroscopiques sont également plus prononcés dans les aéronefs bimoteurs à hélices non contrarotatives. Les forces gyroscopiques générées par chaque hélice s’additionnent, ce qui peut entraîner des mouvements indésirables et des défis supplémentaires pour le pilote.
La précession gyroscopique est également plus marquée dans ces configurations. Les forces de précession générées par chaque hélice s’additionnent, créant des mouvements supplémentaires que le pilote doit compenser.
Dans les faits, un multimoteur non contrarotatif (mêmes moteurs, mêmes hélices) se comporte comme un monomoteur vis à vis des effets gyroscopiques.
Conclusion
En résumé, les effets de couple et gyroscopiques sont des phénomènes importants à considérer dans la conception et l’exploitation des aéronefs. Les aéronefs monomoteurs et bimoteurs à hélices non contrarotatives doivent faire face à ces défis, nécessitant des ajustements constants de la part du pilote ou de système de compensation (automatique ou non) pour maintenir la stabilité et la maniabilité et éviter les mouvements parasites.
Dans tous les cas, sur un monomoteur les effets de couple et gyroscopiques dégradent, directement ou indirectement les performances aéronautiques de l’aéronef (maniabilité, finesse, consommation…).
La configuration bimoteur contrarotatif de Dragonfly offre des avantages significatifs et sécuritaires en termes de réduction des effets de couple et gyroscopiques.
En annulant ou en exploitant ces effets, cette configuration améliore la stabilité en vol, facilite les manœuvres et réduit la charge de travail du pilote et la consommation de la machine. C’est une solution attrayante pour les concepteurs et les pilotes de paramoteur à la recherche de performances optimales et d’une sécurité accrue. Avis aux amateurs !
Bravo pour cette analyse technique qui donne envie de tester le bi rotors contre rotatif Dragonfly.
Dans quelques mois…si tout va bien !
Bravo Christophe pour ta détermination et tes analyses sur les différents couples subis par un paramoteur.
Sans aucun doute le caractère contrarotatif des 2 hélices séparées du Dragonfly sont un excellent choix technique sur ce point ; le contre couple et le couple gyroscopique gauche/droite s’annulent mutuellement.
Cela permet même, dans une phase ultérieure, d’induire des couples de lacets en pilotant indépendamment leur poussée.
Les paramotoristes et les législations en vigueur vont devoir s’emparer de ce sujet apportant du progrès dans leur discipline.
Oui il serait grand temps !
La dichotomie entre les discours politiques et médiatiques (il faut développer l’aviation verte et décarbonée…et blablabla et blablabla…) et la réalité des faits (beaucoup de bâtons dans les hélices pour Dragonfly en 2024…) est colossale !
La configuration Dragonfly sauvera des vies et évitera des accidents, c’est un fait physique et on vient encore de le démontrer via cet article !
Il serait temps que certains comprennent ça un peu plus vite qu’actuellement…En attendant il faut tenir : résilience et détermination !