Pas de nouvelle depuis janvier 2023 ? Bonne nouvelle ! Nous étions extrêmement occupés sur d’autres parties du projet Dragonfly, comme les premiers essais sur chariot !
Aujourd’hui, nous aimerions vous démontrer, via une petite démonstration rapide et chiffres réels à l’appui, l’intérêt énergétique d’un double rotor (ou multi rotor) en aéronautique électrique par rapport à des configurations mono rotor.
En effet; en plus de la suppression totale du couple (si les rotors sont contrarotatifs), l’intérêt aéronautique d’un double rotor est un gain très substantiel sur l’efficacité propulsive.
Et qui dit meilleure efficacité propulsive dit plus de poussée pour une même puissance et plus d’autonomie même capacité de batterie ou taille de réservoir.
Attention à ne pas confondre l’efficacité propulsive avec le rendement propulsif. Le rendement propulsif (en %) qui est la grandeur physique qui donne le % d’énergie de l’hélice transmise à l’air pour faire avancer l’aéronef. Il dépend de nombreux facteurs, comme le profil et calage de l’hélice, la vitesse air et le régime de rotation (entre autres). L’efficacité propulsive qui est une grandeur énergétique qui rapporte la poussée effective à la puissance réellement consommée. Elle peut être donnée en N/W ou gF/W.
En propulsion électrique, les chiffres sont bien mieux maitrisés et connus !
Les chiffres des données d’efficacité propulsive sont bien plus facilement accessibles en propulsion électrique qu’en propulsion thermique.
En effet; les mesures énergétiques et les calculs de rendement sont bien plus complexes à faire sur un moteur thermique qu’un moteur électrique. Voilà pourquoi, en paramoteur thermique, personne ou presque ne les fait et vous ne trouverez pas (du moins à notre connaissance et pour le grand public) de tableaux qui donnent la poussée réelle suivant la position de la manette des gaz et encore moins la poussée rapportée à la puissance moteur (en cv) ou à la consommation de carburant. Par contre, vous aurez toujours la poussé maximale…c’est un des seul chiffre technique qu’on peut avoir facilement avec un paramoteur thermique.
Alors qu’en propulsion électrique, c’est l’inverse : tous les chiffres sont facilement accessibles et exploitables…
Intérêt énergétique du double rotor : les données moteur
Notre démonstration se base sur un tableau de poussée statique d’un fabricant de moteur brushless.
Alors les connaisseurs diront que la poussée statique n’est pas la poussé dynamique en vol et que ces données ne sont valables qu’au début du décollage. C’est théoriquement vrai mais il faut s’avoir qu’à 45 km/h de vitesse air, la vitesse moyenne d’un paramoteur, il y a très peu de différence avec les données en poussée statique et en poussée dynamique. Et dans tous les cas, cela ne change rien au raisonnement suivant, simplement que les valeurs de poussées dynamiques seront un peu minorées à 45 km/h.
Cette remarque n’est plus valable si on vole, par exemple, à plus de 150 km/h (d’où l’intérêt des pas variables) mais de telles vitesses air ne concernent pas le monde du paramoteur.
Combien gagne-t-on en passant d’un moteur à deux moteurs ?
Que trouve-t-on dans le tableau ci-dessus ?
- La consigne de puissance en %
- La poussée statique en grammes (ou gF)
- Le courant en Ampères
- La puissance en Watts
- Les tr/min
- …et surtout : l’efficacité propulsive en g/W (ou plus précisément gF/W)
Prenons 2 exemples de besoins en poussée : un besoin de poussé de 30 kg et un besoin de poussée de 20 kg qui sont des valeurs du monde du paramoteur. Les valeurs sont lues directement dans le tableau ci-dessus.
Pour 30 kg de poussée : + 47% d’efficacité propulsive et 33% de puissance en moins.
Cas d’un mono hélice : la puissance sera de 100 % et l’efficacité propulsive à 5,3 g/W
Cas d’une configuration bi rotors : au lieu de travailler à 100%, les 2 moteurs travailleront chacun pour fournir une poussée de 15 kg, c’est à dire entre 52 à 54 %. L’efficacité propulsive est alors de 7,8 g/W
Le gain d’efficacité propulsive est alors de 7.8/5.3, soit 47 %.
Au niveau puissance, on passe de 5738 W à 3861 W. Gain sur la puissance : 32,7 %
Pour 20 kg de poussée : + 38% d’efficacité propulsive et 28% de puissance en moins.
Cas d’un mono hélice : la puissance sera de 62% et l’efficacité propulsive à 7,0 g/W
Cas d’une configuration bi rotors : au lieu de travailler à 62%, les 2 moteurs travailleront chacun pour fournir une poussée de 10 kg, c’est à dire à 42 %. L’efficacité propulsive est alors de 9,3 g/W
Le gain d’efficacité propulsive est alors de 9,3/7,0, soit 38 %.
Au niveau puissance, on passe de 2843 W à 2044 W. Gain sur la puissance : 28 %
Conclusion : plus il y a d’hélices, moins on a besoin de puissance (si si !) et mieux c’est pour l’autonomie !
Ce raisonnement est valable pour toute taille d’hélice et tout moteurs, pourvu qu’ils soient identiques, il est valable aussi et tout besoin en poussée: avec 2 hélices vous aurez toujours une meilleure efficacité propulsive qu’avec une seule hélice !
Tous les aéronefs électriques devraient donc passer en configuration multi rotor pour gagner d’importantes performances. On pourrait d’ailleurs faire le même raisonnement pour 3 ou 4 hélices, le gain serait encore plus important…mais une configuration au delà de 2 hélices déportées nous a semblé délicate à développer en paramoteur.
Des valeurs comme 28%, 33%, 38% et 47% sont des valeurs de gain énormes en aéronautique (les ingénieurs d’Airbus et Boeing sabrent généralement le champagne quand ils arrivent à gagner quelques pourcents…), mais bien évidement, en réalité, ces gains seront légèrement plus faibles car une multi motorisation augmentera également la masse embarquée et probablement la trainée induite. En aéronautique, encore plus qu’ailleurs, tout est une question de compromis…
Bravo pour ces explications et pour ta persévérance dans le développement de ce projet prometteur.
Pierre LOUIS